L’industrie touristique est en crise depuis des mois. Les touristes étrangers ne viendront pas cette année renflouer les coffres de ces entreprises qui misent beaucoup sur la saison estivale du Québec. On entend parler des hôtels, des restaurants, des bars, des associations touristiques…mais qu’en est-il des auberges de jeunesse? Le concept même de celles-ci repose sur la proximité avec d’autres voyageurs. On discute dans la cuisine, on apprend à se connaître autour d’une bière sur la terrasse, on regarde des vidéos ensemble dans le salon… Qu’adviendra-t-il des auberges de jeunesse post-pandémie? En lisant cet article dans La Presse, j’ai eu le goût de savoir comment ça se passe au pays avec Gaël Chartrand, directrice du marketing de Hostelling International Canada.
Les auberges de jeunesse en pandémie
Dès la mi-mars, les auberges de jeunesse du réseau HI Canada ont fermé progressivement. À part les quelques voyageurs à long terme coincés au pays, tous sont rentrés chez eux, forçant ainsi les établissements à fermer leur porte, faute de clients, oui, mais aussi, faute de pouvoir assurer la protection du personnel et des visiteurs. Environ 75% à 86% des employés se sont retrouvés au chômage pour une durée indéterminée, en attente des annonces gouvernementales qui, vous le savez, entrent au compte-goutte pour l’industrie touristique.
Sonder les voyageurs d’ici
Alors que les grands réseaux d’auberges de jeunesse dans le monde sondent leurs clientèles, HI Canada a décidé il y a 3 semaines de demander aux Canadiens leurs intentions de voyage en auberge cette année. « Les réponses reçues ont été comme un baume sur notre cœur », mentionne Gaël, « 79% des gens ont mentionné être prêt à voyager de nouveau et 73% précisent que les auberges de jeunesse font partie de leur top 3 comme choix d’hébergement. » Ce qui ressort beaucoup de ce sondage est surtout la priorité des voyageurs post-pandémie : la propreté.
Bien qu’on associe beaucoup les auberges de jeunesse aux « jeunes », c’est une clientèle de plus de 35 ans qui s’est prononcée en grande majorité. La plupart (60%) précise d’ailleurs être prêt à effectuer des voyages de plus longue durée (plus de 2 semaines au lieu de quelques nuitées) et à le faire seul(e). Évidemment, « on a noté une baisse assez drastique au niveau de l’intérêt de dormir en dortoir, comparé aux chambres privées », précise-t-elle. « Il y a un fort engouement pour les campings, les chalets, donc je pense que les gens sont prêts à partir. Notre clientèle de 18-35 ans a moins peur pour leur santé également et sait qu’il faudra respecter certaines mesures pour éviter de transmettre le virus. C’est une question de valeur et de capacité à prendre un risque. »
Les auberges de jeunesse « après »
Les auberges de jeunesse semblent tomber dans une « craque » dans tous les plans de réouverture du gouvernement. On prévoit les mesures pour les hôtels, les restaurants, les activités sportives, mais à ce stade-ci, au Québec, les auberges n’ont pas le droit d’ouvrir de nouveau. Bizarrement, dans les autres provinces, HI Canada a le feu vert. « Il y a beaucoup de demandes pour les auberges dans les Rocheuses qui se préparent à ouvrir le 29 juin, nous sommes dans les préparatifs de ce côté, » dit Gaël. Évidemment, les auberges n’ouvriront pas « comme avant » tout de suite. Les cuisines seront majoritairement fermées, les espaces communs auront des restrictions précises quant à leurs utilisations mais au moins, les voyageurs pourront y séjourner.
L’auberge festive le Sea Shack en Gaspésie annonce tant qu’à elle sa réouverture: « les auberges qui peuvent ouvrir n’ont pas qu’un seul permis d’opération comme auberge. Donc ils offrent l’accès à leurs chalets ou sites de camping, mais les dortoirs et lieux communs demeurent fermés pour le moment », précise Gaël.
Je me demande toutefois de quelle façon on peut réinventer le concept d’auberge de jeunesse, autant en ville qu’en région. Bien sûr, il y a les chambres privées qui peuvent être louées dans les règles de l’art mais les auberges sans dortoir, ce n’est pas vraiment une auberge non?
Gaël m’explique que « les auberges dans les grands centres sont définitivement plus problématiques. Les gens quittent la ville, ces établissements sont situés au cœur même des épicentres de la pandémie et n’ont pas d’espace extérieurs aménagés permettant la distanciation. Par contre, les auberges en régions (La Malbaie, Griffon, le Sea Shack) ont plus de facilité à se réorienter avec des activités extérieures où des chapiteaux pourront être installés pour la nourriture. Les voyageurs seront incités à passer du temps dehors, sur le bord de la plage, autour d’un feu, respectant ainsi le 2 mètres de distance.
On évolue aussi avec la demande. On n’ouvrira peut-être pas de dortoirs dans toutes les auberges mais si on sent une demande pour un produit plus abordable et accessible, et que les gens sont confortables de dormir en dortoir à 50% de capacité avec une distance entre chaque lit, on va y aller au cas par cas. »
Ayant fréquenté des auberges de jeunesse dans le monde plus ou moins propres, et sachant que la propreté fait partie des enjeux #1 de la clientèle, je me demande quelles sont les mesures qui seront prises lors de la réouverture complète des auberges.
Gaël m’explique que « dans tous les espaces « high frequency », le ménage sera fait très fréquemment : poignées de porte, réception, station de lavage de mains, etc. Toutes les mesures générales se trouvent sur notre site ainsi que les mesures spécifiques à chaque auberge. »
Le défi de HI Canada
Le défi dans tout ça? Demeurer rentable! Avec l’augmentation des coûts opérationnels, mais une capacité moindre de visiteurs, les dépenses iront majoritairement sur les mesures d’hygiènes et l’embauche de personnel. D’ailleurs, si vous êtes intéressés à travailler dans l’Ouest Canadien, HI Canada cherche des employés de ce côté du pays. Qu’en est-il d’une aide gouvernementale comme certaines annonces ont été faites pour les petits hôtels et PME? « Malheureusement, on tombe dans une craque, on est dans aucune catégorie mais de belles annonces sont censées venir dans les prochains jours, » me dit Gaël.
En attendant que vous, chers voyageurs, puissiez partir sur la route, pensez à réserver votre prochaine escapade dans l’un des 52 établissements de HI Canada qui sont durement touchés par la crise. Ils vous attendent les bras ouverts, à 2 mètres de distance, évidemment.
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