Perdre un de ses sens…

Réalisez-vous quotidiennement à quel point vos sens sont importants? On pense souvent au fait que nos jambes et nos bras sont cruciaux pour se déplacer, pour vivre au quotidien, mais l’odorat, la vue, le goût, l’ouïe. Ils sont mis à profit tous les jours et aussi lors de nos voyages.  Je veux vous parler de mon histoire, de mon sens qui s’est fait malmené depuis les 20 dernières années, la vue.

Ce que vous ne savez pas à propos de moi

À l’aube de mes 18 ans, un diagnostic est tombé, je perdais la vue. Ma rétine décollait, dans mes deux yeux. Je devais donc rapidement arrêter le cégep, me faire opérer, un œil après l’autre, vivre la convalescence et… espérer que ma vue se rétablisse. Wow la vue…perdre la vue! Qu’adviendra-t-il de toutes les choses que je veux voir dans le monde? Les pyramides d’Égypte, le Machu Picchu, l’eau turquoise de la Polynésie française, les volcans d’Hawaii, la Tour Eiffel… Comment peut-on « voir » toutes ces choses si on n’a plus la capacité de le faire?

Ce soir-là, j’ai dormi chez une amie…dormie, un bien grand mot, car je ne pouvais que penser aux choses que je ne pourrais jamais voir si, entre mon diagnostique et ma chirurgie prévue quelques jours plus tard, je perdais complètement la vue.

Je vous épargne les détails, mais ce ne sont pas 2, mais 5 chirurgies que j’ai dû avoir dans les 5 années suivantes pour des décollements de rétine, cataracte et déchirures. J’ai perdu une partie de ma vision périphérique dans les deux yeux suite aux nombreuses chirurgies. Malgré tout, j’ai continué de non seulement à vivre ma vie, mais à savourer chaque petit moment et surtout VOIR tout ce qui m’entourait grandir, changer, embellir.

Presque 12 ans plus tard

Le Machu Picchu monté, les pyramides visitées, la Tour Eiffel grimpée, les voyages multipliés, mes yeux rétablis en ont vu (et appréciés!) des choses. Et bien qu’à travers les années, j’ai eu quelques frousses ici et là, mon ophtalmologiste a toujours été sûr et certain que ça ne redécollerait plus JAMAIS ces beaux yeux bleus. 

Et voilà qu’il y a 2 jours, environ 12 ans après ma dernière chirurgie, je vois un truc bizarre dans mon œil droit. Pas comme les autres fois, mais quand même anormal. Heureusement, j’ai de bons spécialistes autour de moi qui connaissent mon cas et sont rapides sur la gâchette quand j’ai un doute. Nul besoin de vous dire que lorsqu’il s’agit de potentiellement perdre la vue, chaque jour compte.

Le verdict est tombé cette semaine, la rétine de mon œil droit décolle de nouveau…À chaque fois c’est la même chose; les spécialistes ne comprennent pas comment et pourquoi ça m’arrive. Oui, j’ai une forte myopie, oui, j’ai les yeux bleus, tous des facteurs pouvant causer des problèmes, mais autant de fois, autant de chirurgies, de laser sur ma rétine, pourquoi? 

Peu importe la raison, il n’y a qu’une seule solution et c’est l’opération qui en soi n’est pas très invasive ou longue. C’est le risque qui est grand (surtout vu la fragilité de mes yeux) et la convalescence qui est difficile…

La convalescence

Une chirurgie à la rétine demande de demeurer dans une position X (selon où le décollement est survenu dans l’œil) pendant au moins une semaine, si non deux. 24 heures sur 24, ou du moins 23 heures sur 24 si on oublie les pauses pipi et mangé, je dois demeurer dans une position qui n’est pas naturelle en plus des gouttes et onguents à appliquer 4 fois par jour. Et je tiens à préciser que ma chirurgie est aux yeux donc on oublie les séries Netflix, la lecture d’un livre ou les petites marches tranquilles dans le quartier pour se rétablir doucement. Pour cette fois-ci, je devrai être couchée ou assise, tête vers le bas, pendant 7 jours, peut-être plus selon les instructions reçues.

Mettre ma vie sur pause

À 18 ans, j’ai dû arrêter le cégep pendant pratiquement une session complète. Heureusement, j’allais dans un petit cégep avec des profs compréhensifs qui m’ont fait exécuter par la suite des travaux pour rattraper le temps perdu. À ce moment de ma vie, je me disais « ça y’est, je n’entrerai pas à l’université en même temps que tout le monde, mon entrée sur le marché du travail sera retardé, ma vie est finie »… On peut être tellement dramatique à l’adolescence/début de la vie adulte! Haha savoir ce que je deviendrais aujourd’hui, j’aurais été moins stressée avec l’école! 😉

Alors me voilà, comme travailleuse autonome, sans assurance, à devoir arrêter mes supers mandats en cours. Des mandats que je déteste devoir abandonner avec si peu de préavis, mais il faut ce qu’il faut comme on dit. Et ça prouve aussi que comme pigiste, on doit avoir un bon coussin financier pour être en mesure d’arrêter du jour au lendemain de travailler sans soutien.  C’est le temps de prendre le temps pour moi, pour ma santé, pour ma vue. C’est difficile d’arrêter d’un coup comme ça, sans préavis!

Heureusement, j’ai une famille qui est là pour moi, des ami(e)s incroyables qui m’offrent tout leur soutien et leur amour, des collègues plus que compréhensifs…ainsi que leurs recommandations de balados et livres audios! :p

Ayez une petite pensée pour moi dans les prochains jours, car je souhaite que tout se passe bien et que ma vue puisse revenir à un semblant de « pas pire » question que je puisse encore explorer toutes les merveilles du monde! Parce que perdre (ou presque) un de ses sens sans perdre le sens de la vie, c’est ça le vrai défi!